Les arts plastiques « comparés » sont à la mode ces temps-ci. L’effet est le plus souvent écrasant pour l’un des artistes (voire pour les deux) et terriblement démonstratif, la démarche anti-historiciste (fort louable certes) aboutissant à la pire confusion. Tout est bon pour « rapprocher » les oeuvres : thèmes, styles, voire orientation sexuelle de l’artiste. Pour s’en tenir à Bacon, la Galerie Borghèse à Rome nous avait concocté une fort discutable exposition Caravage/Bacon, dont j’ai parlé ici même en 2010. Au-delà des parallèles simplistes, on est en droit de se demander si des alibis (anciens ou contemporains) ne sont pas devenus nécessaires pour montrer des peintres modernes (ce sont les plus problématiques aujourd’hui) dans un musée de peinture.
Voici maintenant que le musée Fabre propose de mettre « face à face » Francis Bacon et ce qu’il exécrait le plus : un plasticien contemporain. Le spectateur est censé les découvrir ensemble, mais il est plus juste de dire qu’ils se tournent le dos, malgré l’insupportable fond sonore naumanien qui s’efforce tant bien que mal de détourner le visiteur de la somptueuse et intempestive peinture à l’huile qu’il a bien fallu accrocher aux murs. Un écran diffuse en boucle un extrait de Comédie (« Pas moi ») de Beckett : j’ai cru y voir une allusion à Bacon, souvent associé – à tort ou à raison – à l’écrivain irlandais. Mais non! Nauman partage avec lui, nous dit-on, ses « procédés de dislocation ». Une carcasse rassemblée « bout à bout » pend au plafond : clin d’oeil à Bacon, qui s’y connaît en carcasses? Juste un intérêt commun pour l' »animalité »? Bref, on déambule là -dedans, sur fond de vidéos, de grondements naumaniens et de sarcasmes beckettiens (jubilatoires, eux mais sans grand rapport avec la crudité baconienne), un peu gênés par un grand écart dont ne semblent guère se douter les organisateurs (mais peut-être qu’ils s’en moquent…). Il reste que des tableaux importants de Bacon sont ainsi montrés au public européen (après Monaco et Bilbao, ces derniers mois). Les occasions ne sont pas si nombreuses de voir et revoir, à côté des toiles les plus connues, comme le bouleversant Triptych in memory od George Dyer, quelques réalisations plus rares, telle Lying Figure in a mirror (1971) que j’en suis venue à analyser, reprenant des pistes d’Amanda. J. Harrison, comme un « Cygne et Léda » (Cf. Le Catalogue de Monaco).